Bonheur portatif

par Philippe Guerry


février 2012

  • 21 – Je suis perdu dans le marché d’une grande ville de l’ouest. Des jeunes gens me voient et échangent entre eux de larges sourires moqueurs. Je ne sortirai pas sans leur aide. Je joue le jeu et tourne ostensiblement en rond afin de prolonger pour eux cette offrande touristique. Je suis à qui m’a… Continue reading

  • 19 – Ce matin les enfants ne sont pas descendus. Ils nous ont appelé pour dire qu’ils ne descendront plus. Qu’ils ne supportent plus notre bruit. Ils ne négocieront pas le bruit. Nos bruits réguliers, notre vacarme sourd. Le soupir étouffé de notre amour. L’abandon du soleil, les bris, les déchirures. Le moteur pénible qui… Continue reading

  • 18 – Numériser. Accepter la numérisation. Enregistrer. Je fais face à la vie de mon père. Entre nous un écran. Nous préparons les noces d’or. Nous préparons les surprises. Le diaporama qui sera montré aux invités. Créer une sélection personnalisée. Des instantanés de jeunesse fixés sur de vieilles photos jaunies. Une vie qui s’extirpe des… Continue reading

  • 17 – « – Dans ma chambre, il y a une cabane, dit cette petite fille, et dans cette cabane, j’ai une boîte à secrets. La boîte à secrets s’ouvre avec une clé, et la clé je la laisse à mon cou. Je te donne la clé. Maintenant tu peux ouvrir la boîte à secrets. Tu… Continue reading

  • 16 – Nous n’irons pas à Los Angeles, parce que cette ville n’existe pas. Tu me parlais de Los Angeles mais je sais maintenant qu’elle n’existe pas. Pourquoi m’as-tu dit qu’on irait là-bas ? J’y croyais, moi, à Los Angeles. J’y crois depuis que je suis petit. Je pensais même que c’était un pays. On a… Continue reading

  • 15 – Comment disparaître ? quel raccourci emprunter ? comment font les autres ? ils répètent les mêmes gestes, ils rationalisent les procédures domestiques, ils marivaudent dans des bruits de mixer. Je n’ai pas assez de temps, j’en ai déjà trop dépensé. Ou ils geignent, ils gémissent dans des bouteilles, ils bégaient en pleurant, en cherchant des épaules.… Continue reading

  • 14 – Allez ma fille ! je suis jeune je suis jeune je suis jeune. Allez, tiens-toi droite, tiens ton sourire. Il faut que j’ai l’air jeune, il faut que j’ai l’air jeune, bon dieu ! il faut que je reste jeune, il faut que je sois jeune dans ma tête, il faut que je plaise aux… Continue reading

  • 13 – Au sortir de la boîte, nous longeons les trois quais. Tu es belle et triste et ton sourire accroche tristement ton col de fourrure. Je cours à tes côtés, à gauche à droite, comme un chien fou qui attend que l’occupe ce maître irrésistible. Sourire triste impassible. Dans la boîte, l’autre n’a même… Continue reading

  • 12 – Je vis chez vous. Après vous. Derrière vous. Dans vos espaces. À votre place. Je suis chez vous. Je connais votre emploi du temps. Chaque matin, j’attends en bas de chez vous, sur le trottoir d’en face, que vous partiez de chez vous. J’ai les codes. J’ai les clés. Je m’installe chez vous… Continue reading

  • (Pour Julie) 11 – Tu cherches à embrasser le monde mais tes bras sont trop courts, tu t’en rends bien compte ma chérie. Tu es trop petite. Tes jambes suffisent à peine à te maintenir en équilibre. Et encore… quand bien même… on n’embrasse pas le monde avec ses jambes. Non : avec ses jambes, le… Continue reading